P A R L E M E N T E U R O P E E N E T A T S - G E N E R A U X D E L A R E C H E R C H E E C O N O M I E P O L I T I Q U E D E S O G M
Le 17 juillet 1997, lors de la première discussion de la directive 98/44, les parlementaires ont
été accueillis à Strasbourg par une manifestation d’handicapés, vêtus par les industriels des« sciences de la vie » de maillots jaunes portant l’inscription « Patents for life », « des brevetspour la vie ». Cette directive avait pour but de breveter « les inventions biotechnologiques ». Ainsi, une ère nouvelle de progrès débarrassant l’humanité des fléaux de la faim et de lamaladie s’ouvrirait-elle. 1
Au même moment, à 15 000 kilomètres de là, ce même cartel faisait tout pour empêcher le
gouvernement sud-africain d’adopter une loi autorisant la fabrication et l’importation demédicaments génériques anti-sida dont le coût représentait une fraction - quelques pour cents -du prix du cartel. De 1997 à 2001, sa guérilla légale en a empêché l’application et 400 000malades sont morts sans soin.2
Un peu plus tard, en mars 1998, le ministère américain de l’agriculture (la recherche
« publique ») et une firme privée déposaient le brevet "Contrôle de l’expression des gènes »,alias Terminator, de stérilisation des plantes.
En juillet 1998, les parlementaires votent la directive malgré l’opposition des Verts. Ils
ignorent tout de ce qui se trame en Afrique du Sud. Et ceux qui ont entendu parler du « contrôlede l’expression des gènes » sont loin d’en saisir les implications. Ce vote a donc été arraché auxparlementaires européens par les pressions « sans précédent » (selon Paul Lannoye) de la bio-industrie et de la Commission, par la propagande sur les « biotechnologies-qui-vont-nourrir-le-monde,-protéger-l’environnement,-et-éliminer-la-maladie », et par le chantage à la compassion.
Le brevet n’est pas « pour la vie » : il tue. Dans les deux domaines jumeaux de la biologie
appliquée, l’agriculture et la santé, il est temps de clarifier l’économie politique des OGM. La directive européenne 98/44 et l’agriculture
Personne ne niera que tant que le grain récolté est aussi la semence de l’année suivante, le
semencier ne peut pas vendre de "semences". Le semencier doit donc se débarrasser, par unmoyen quelconque, de la faculté malheureuse des plantes et des animaux de se reproduire dansle champ du paysan.
Terminator n’est donc pas le fruit de l’égarement d’un quelconque Dr Folamour, et encore
moins une technique visant à protéger l’environnement de pollutions transgéniques inévitablescomme la propagande cherche à le faire accroire, 3 mais le plus grand triomphe de la biologieappliquée depuis 150 ans. La production reste entre les mains de l’agriculteur, mais lareproduction devient le monopole, le privilège du semencier-obtenteur - maintenant un cartel de
1 Lire les considérants 10, 11, 17 et 18 Directive Européenne 98/44 du 6 juillet 1998 relative à la protectionjuridique des inventions biotechnologiques. Journal Officiel n° L 213 du 30/07/98 p. 0013 -00212 Paul Benkimoun, Les géants de la pharmacie entravent l’accès aux traitements antisida génériques, Le Monde,7 mars 2001. 3 Pour John Vidal (How Monsanto’s mind was changed. One man convinced the US giant that the Terminatorgene was technology gone mad. The Guardian , octobre 14-20 1999), il s’agirait d’une « technologie devenuefolle » ! Klaus Ammann (Les Ogm entre mensonges et hystérie, La Recherche n° 325, novembre 1999 – le titrequalifie l’article), est à ma connaissance le premier scientifique à diffuser le bobard que Terminator aurait étéinventée « aussi » pour lutter contre la pollution génétique. Vincent Tardieu (Polémique autour de la truitetransgénique de l’Inra, Le Monde, 12 août 2000) supprime le terme « aussi ». Ces glissements témoignent desefforts couronnés de succès de la propagande du complexe génético-industriel pour minimiser l’impactdévastateur d’une technique qui révèle la dynamique mortifère du capitalisme.
transnationales agrochimiques et pharmaceutiques autoproclamées « des sciences de la vie ». Laloi du profit triomphe enfin de celle de la vie.
La roche Tarpéienne est, dit-on, près du Capitole. L’opinion publique a compris que les
Ogm, loin de « nourrir la planète et protéger l’environnement », allaient permettre d’en finiravec l’injustice des êtres vivants à l’encontre des investisseurs et renforcer encore leur emprisesur notre existence. Terminator ruinait vingt ans de propagande transgénique au moment mêmeoù le cartel était sur le point de parvenir légalement à ses fins avec la directive européenne98/44 soi disant de « brevetabilité des inventions biotechnologiques ».
Si l’article 4 alinéa 1a indique que « les variétés végétales et les races animales ne sont pas
brevetables », l’alinéa 2 affirme le contraire : « Les inventions portant sur des végétaux ou desanimaux dont l’application n’est pas techniquement limitée à une variété végétale ou à une raceanimale sont brevetables. » Tout ce qui est transgénique est brevetable.
La directive organise donc une discrimination légale en faveur des Ogm, inutiles et
dangereux, 4 aux dépens de solutions conventionnelles protégées par le certificat d’obtentionvégétale (COV). Dans sa version originale (1961), ce dernier défend l’intérêt général puisqu’ilprotège l’obtenteur du pillage de ses variétés par ses concurrents, l’agriculteur d’un marchévéreux et laisse le matériel variétal à la disposition de tous pour en poursuivre l’amélioration.5Cette discrimination légale s’oppose à la doctrine libérale de la construction européenne selonlaquelle le marché doit décider des choix techniques.
A terme, cette directive permettra comme le montre l’exemple américain qu’elle copie,
d’interdire la pratique fondatrice de l’agriculture, semer le grain récolté. Le Parlement européenn’a-t-il pas repoussé la proposition des députés verts d’élargir le droit de réensemencement ? Enfaisant de la reproduction le privilège d’un cartel de transnationales, cette directive revient ànous faire condamner nos portes et fenêtres pour permettre aux marchands de chandelles(génétiques) de lutter contre la concurrence déloyale du soleil !
Et comme un privilège engendre la triche de ceux qu’il exclut, il faut mettre en place une
société de délation. Ce que fait Monsanto aux Etats-Unis avec sa police génétique chargée dedébusquer les “pirates”. Monsanto met même à la disposition des agriculteurs des lignestéléphoniques gratuites pour qu’ils dénoncent leurs voisins “pirates”. Curieusement, la directive98/44 ne dit rien de cette police génétique. Sera-t-elle privée ou publique ? Quand lesparlementaires débattront-ils de la « protection policière du privilège des investisseurs sur lareproduction des plantes et des animaux » ? La vitesse à laquelle progressent les « enclosures »du vivant n’impose-elle pas qu’ils étudient sans tarder les restrictions nécessaires à l’amour et àla sexualité humaine qui portent préjudice à la rentabilité des techniques de reproduction desinvestisseurs ?
Cette directive nous fait sortir de l’ère de l’échange libre des ressources génétiques, du
partage des connaissances, de la coopération internationale entre chercheurs publics, bref d’unemondialisation non marchande qui a permis le quintuplement du rendement des principalescultures dans les pays industriels depuis la guerre et son augmentation considérable dans
4 Lire Michel Tibon-Cornillot, Le naufrage des sciences de la vie, L’Ecologiste, n°3, mai 2001. 5 Cf. Jean-Pierre Berlan, Quelle politique « semencière » ? Revue OCL, Dossier Génomique et sélection, vol. 6,n° 2, mars/avril 1999. Cet article fait un bref historique des méthodes utilisées depuis 150 ans pour lutter contrecette propriété malheureuse des plantes, se reproduire et se multiplier dans le champ du paysan, et desmystifications scientifiques qui ont entouré cette lutte.
nombre de pays du tiers monde. 6 Cette mondialisation non marchande sera remplacée par lacartellisation marchande de ces ressources génétiques et leur pillage, par la privatisation desconnaissances biologiques et la “guerre économique”.
Un dernier point. L’Amérique du nord est dénuée de ressources génétiques. L’agriculture s’y
est construite grâce aux importations de plantes et d’animaux. Au 18ème siècle, ThomasJefferson risque la peine de mort pour sortir en fraude des semences de riz du nord de l'Italie. Benjamin Franklin envoie régulièrement des semences d'Europe à ses correspondants dePhiladelphie. En 1839, le Congrès charge le … Patent Office (le bureau des brevets – déjà !)d’introduire et de distribuer gratuitement les semences aux agriculteurs et jardiniers. 7 La seuleplante d’importance agronomique (mineure) originaire d’Amérique du Nord est le tournesol. Leseul animal de ferme qu’elle nous a apporté est la dinde. Personne ne regretterait que les Etats-Unis en gardent l’exclusivité. Et pourtant, ils brevètent maintenant les ressources génétiquesqu’ils ont pillées dans le monde entier !
En résumé, la directive organise une discrimination légale en faveur de « solutions »
transgéniques inutiles ; elle crée un privilège pour un cartel de transnationales qui ont pris lecontrôle des semences et conduit à une société de délation. Elle remplace une mondialisationnon-marchande par la cartellisation marchande des ressources génétiques et leur pillage, et lacoopération internationale par la guerre économique. Elle donne le coup de grâce à unebiodiversité en danger. Elle prépare les futures famines en prétendant les prévenir – à l’instar dubrevet du médicament qui, au nom du progrès médical, tue les malades non solvables. La directive européenne et la santé
Avec le procès des transnationales pharmaceutiques contre l’Afrique du Sud, 8 l’opinion
publique a pris connaissance du caractère criminel du brevet des médicaments. Le cartel vendles médicaments brevetés 10 à 40 fois le prix auquel des fabricants de produits génériques lesfournissent. 9 La recherche coûte cher, martèle sa propagande. Il faut en protéger les résultatspour que le progrès médical se poursuive.
Le 9 mai 2001, le journal financier Les Echos levait le voile. Novartis “ n’a jamais eu autant
de nouveaux produits à lancer : dix sur les trois prochaines années. Cette vague conduitNovartis à dépenser 1 milliard de francs suisses supplémentaires en marketing cette année, cequi porte ce budget au ratio inhabituel de plus de 32% du chiffre d’affaire. Un investissementqui coûtera au groupe de 1 à 2 points de marge opérationnelle en 2001.”
Le chiffre d’affaire étant de 36 milliards de francs suisses, Novartis dépense donc 12 milliards
de francs suisses en marketing, soient une cinquantaine de milliards de francs français. Lesconcurrents-partenaires de Novartis en font autant. La recherche est en réalité le parent pauvre etd’une politique commerciale destinée à transformer le médecin en prescripteur. Ces dépensescontribuent-elles à l’amélioration des soins aux malades et au progrès médical ? ou aux profitsdes actionnaires - et au déficit de la sécurité sociale ?6 Pour autant, ces gains historiquement inouïs des rendements agricoles ne légitiment pas ce que l’on appelle le« productivisme ». 7 US Department of Agriculture, Seeds, The Yearbook of Agriculture 1961. Washington, US GovernmentPrinting Office. 1961. 8 Avec l’appui en 1997 des gouvernements des pays industriels, dont ceux de l’Union Européenne. 9 Un exemple : le traitement au fluconazole coûte 4 francs par jour en Thaïlande où il n’est pas breveté et 120 parjour au Kenya où il est breveté (James Orbinski,Pour, n° 63 mars 2000). Lire Carmen Pérez-Casas, DanielBerman, Pierre Chirac, T. Kasper, B. Pécoul, I. de Vincenzi and T. Von Schoen , Access to Essential MedicinesProject, Médecins Sans Frontières, 6 juillet 2000.
La recherche coûte cher ? Au cours de l’année 2000, un distributeur ghanéen de
médicaments, Healthcare avait acheté un lot de Duovir (la version générique du Combivir deGlaxo Welcome, le premier laboratoire mondial), à Cipla, une entreprise indienne spécialiséedans la production de génériques. Le médicament de Cipla coûte 1,74 dollar par jour, soient 600dollar par an, quelques pour cents du prix pratiqué par Glaxo. Pour Glaxo, ces importationstransgressent son brevet. Devant la menace de procès, Cipla interrompt ses livraisons. Lesmédicaments livrés restent en stock. Les malades meurent. Pourtant, le brevet de Glaxo n’estpas valable au Ghana. 10
Le Combivir combine deux molécules, l’AZT et le 3TC. Les ventes totales de ces deux
molécules sont de 1,1 milliard de dollars 11.
L’AZT, découvert par le National Cancer Institute – la recherche publique – au début des
années 60 s’était révélé peu efficace contre le cancer. En 1987, avec la montée de l’épidémie desida, Glaxo s’intéresse à l’AZT. Il le fait tester en même temps que d’autres molécules par leNCI qui a mis au point les méthodes de criblage de médicaments anti-sida. Glaxo dépose enmême temps un brevet sur l’AZT comme médicament anti-sida. Et lorsque les tests du NCI serévèlent prometteurs, il devient « l’inventeur » du premier médicament anti-sida. Brevet aidant,il en fait l’un des médicaments les plus coûteux jamais vendu.
Ainsi, de bons avocats valent-ils mieux que de bons chercheurs. De bons vendeurs aussi.
Depuis ce coup d’éclat, la fusion de Glaxo-Wellcome et Smithkline-Beecham (17 janvier 2000),a créé le premier laboratoire mondial. L’atout du nouveau groupe : « une force de vente de40 000 personnes » - sur un total de 105 000 ! Aux seuls Etats-Unis, 7 600 visiteurs médicauxtransforment les médecins en « prescripteurs ». 12
Ce n’est donc pas la recherche scientifique qui coûte cher, mais la recherche du profit.
Cette directive crée en réalité un privilège sur la découverte de gènes (article 5-2), « même si
la structure de cet élément est semblable à celle d’un élément naturel ». Un forfait couronneainsi une forfaiture : pour qu’il y ait brevet, il faut qu’il y ait invention, et non découverte ; lebrevet de gènes (c’est-à-dire sur le moyen de produire les médicaments futurs) s’ajoute aubrevet du médicament. La maladie devient monopole. C’est déjà le cas avec les brevets deMyriad Genetics sur les gènes de prédisposition au cancer du sein. 13 En somme, lesinvestisseurs possèdent la maladie mais ne l’ont pas, les malades l’ont mais ne la possèdent pas.
En résumé, dans le tiers monde, le brevet tue. Chez nous, il permet dévaliser en toute légalité
la sécurité sociale - qui, à terme, sera ruinée. La directive 98/44 prépare la tiers-mondialisationdu système de santé dans les pays industriels eux-mêmes : seuls les riches pourront se soigner. A cet égard, les Etats-Unis, en tête pour le pourcentage des dépenses de santé par rapport au PIBet au 28ème rang mondial selon l’index de qualité des soins de l’OMS montrent où conduit laprise de contrôle du système de santé par le complexe génético-industriel - au nom « libre » jeudes forces du marché !
Pour terminer par un argument que je n’aime pas, la directive européenne a, dit-on, pour
objectif de renforcer la compétitivité européenne. Or les Etats-Unis brevètent les organismes
10 Wall Street Journal, 1er décembre 2000. 11 Ibid. 12 V. Lorelle, Le Monde 18 janvier 2000. 13 Lire M. Cassier et J-P Gaudillère, « Le génome : bien privé ou bien commun ? », Biofutur, 204, oct. 2000.
vivants depuis l’arrêt Chakrabarty de la Cour Suprême en 1980. 14 L’Europe aura les miettes. Ils’agit donc d’aller faire la guerre économique sur le terrain soigneusement préparé del’adversaire et de ses grands cabinets d’avocasserie. C’est aller à la déroute. Confisquer la santé
Le brevet sur le vivant est inséparable d’une nouvelle conception, prétendument scientifique,
de la maladie : les maladies seraient génétiques. Les chercheurs découvrent les gènes del’obésité, du cancer, de la schizophrénie, du sport, de l’intelligence, de l’alcoolisme, de lafidélité, de l’autisme, de la vieillesse, etc. Soigner requiert de breveter les gènes. Cedéterminisme génétique strict existe dans certains cas de maladies très rares - qui n’intéressentpas le complexe génético-industriel puisque le marché est minuscule. Mais ce dernier est entrain de le généraliser au marché immense des maladies dites « de civilisation » - cancers,obésité, maladies mentales, allergies, et pourquoi pas ?, à celui de vieilles maladies, en pleinrenouveau comme la tuberculose. Ainsi, des « spécialistes londoniens ont fait la démonstrationen Gambie (que) les hommes ne sont pas génétiquement égaux face au risque de l'infectiontuberculeuse . Comme on vient de l'établir pour la contamination par le virus du sida, certainespersonnes sont, du fait de leur patrimoine héréditaire, plus que d'autres exposées à lamaladie ».15 Belle démonstration ! Nous sommes tous différents. Ces différences sont même cequi caractérise les êtres vivants. Est-il surprenant que nous réagissions différemment à latuberculose ou au Sida ? Le travail des spécialistes londoniens débouche sur une tautologie quiintroduit subrepticement une causalité génétique dans une maladie que l’on disait jusqu’iciprovoquée par le bacille de Koch.
Pourtant, la tuberculose n’est pas plus due au bacille de Koch que l’obésité au gène découvert
en mars 1997 (ou le cancer aux oncogènes ou telle endémie à tels gènes). L’incidence de latuberculose dans les pays industriels avait diminué dans des proportions considérables en 1914,avant même que la première molécule active contre le bacille de Koch ne soit disponible. Enune cinquantaine d’années, les luttes ouvrières avaient réussi à arracher la diminution du tempsde travail, l’amélioration des conditions de travail, la suppression du travail des enfants, desaugmentations de salaires, de meilleures conditions d’hygiène et de vie, etc. On peut donc luttercontre la tuberculose en luttant contre le bacille de Koch ou en s’attaquant aux conditionssociales qui lui permettent de faire des ravages. Et à l’heure actuelle, la lutte contre latuberculose (qui connaît un renaissance foudroyante y compris dans les pays industriels)n’impliquerait-elle pas d’abord d’en combattre la cause, le démantèlement néo-libéral de tout cequi avait été conquis depuis cinquante ans ?
Le paradigme de la maladie génétique introduit un élément nouveau par rapport à celui de la
maladie microbienne. Cette dernière laisse la porte ouverte à la compréhension des causessociales et politiques de la maladie, bref à son écologie politique et, par conséquent, à la mise enœuvre d’une politique de santé publique, s’attaquant à ces causes, plutôt qu’à son agent, lebacille de Koch. Mais avec la maladie génétique, la maladie devient propre à l’individu. Pas dechance, ses mauvais gènes en font une victime désignée. Cette idéologie médicale nouvelletraduit dans le domaine de la santé la dynamique d’individuation et de rupture des liens sociaux
14 Lire Jean-Pierre Berlan, Cette vie qui devient marchandise, Le Monde Diplomatique, décembre 1988. 15 Nau J-Y, « Alerte rouge planétaire face à la nouvelle virulence du bacille de Koch Trois millions de décès paran sont dus à la tuberculose », Le Monde, 24 mars 1998, page 21.
caractéristiques du capitalisme. Réduite à ses gènes, la personne est abolie. Ne restent que gènesdéfaillants face aux transnationales « thérapeutiques ».
Soit dit en passant, on trouvera presque toujours des gènes « responsables » (dans cette
conception scientifique étriquée de la causalité) d'une pathologie quelconque puisque les gènesfabriquent des protéines et que ces dernières jouent un rôle dans toutes les fonctions de la vie. Quel est l’enjeu véritable de « découvertes » qui, à l’examen, sont autant de tautologies ?
Pour les transnationales semencières, il n’y a pas de plus grande injustice que la faculté des
plantes et des animaux de se reproduire dans le champ du paysan. Tout a été fait, nous l’avonsvu, pour s’en débarrasser. Pour ces mêmes firmes des « sciences de la vie », une personne enbonne santé porte préjudice à la rentabilité du capital. Tout sera donc fait pour l’en débarrasser. Ne faut-il pas comprendre la théorie génétique de la maladie, le battage médiatique à propos dela « doctrine de l’ADN » 16, le chantage au brevet qui « en-protégeant-l’investissement-permettra-de-nous-débarrasser-de-la-maladie » dans ce cadre de l’économie politique ?
Nous sommes tous porteurs de maladies « génétiques » - en jargon de « susceptibilités aux
maladies génétiques » - une cinquantaine au moins, dit-on. Pour les Dr Knock transnationaux,toute personne bien portante est donc un malade qui s’ignore. La maladie génétique et lamédecine « prédictive » font de tout être humain (et ce, avant même sa naissance), un maladepotentiel de la naissance à la mort. Le marché médical s’élargit à toute personne en bonne santé- exactement comme Terminator, le brevet et autres moyens biologiques, administratifs, légauxde stérilisation des plantes et des animaux dans le domaine agricole étendent le marché des« semences » à la totalité de la superficie cultivée de la planète. Bis repetita.
En somme, pour nous débarrasser de la maladie, le complexe génético-industriel fait de
chacun de nous un malade potentiel ! C’est la fin de tout système de sécurité sociale.
Terminator et le procès du complexe génético-industriel à l’Afrique du Sud ont fait tomber les
masques de la philanthropie et de l’écologie. Ce qui m’amène à une conclusion en trois points.
1. Le cadre institutionnel de la recherche oriente les programmes. A cet égard, l’abrogation de
la directive 98/44 est nécessaire. Parce que son vote a été obtenu par la désinformation etl’intimidation ; parce qu’en matière agricole, elle crée une discrimination légale en faveur desolutions transgéniques aux dépens de solutions agronomiques durables ; parce qu’en matièremédicale, en ajoutant le brevet des gènes au brevet du médicament, elle renforce le pouvoir d’uncartel génético-industriel ; enfin, parce qu’elle met notre avenir scientifique et technique dansles mains des transnationales, fait passer la recherche publique sous le contrôle des entreprisesprivées, et promeut les « solutions » éphémères les plus profitables aux dépens des solutionsdurables les plus utiles.
2. La science et de la technique sont comme les prophéties : elles s’auto réalisent. Le succès
d’une technique ne prouve rien. Simplement, la réputation scientifique de ses promoteurs, lesintérêts économiques qui la soutiennent, les appuis politiques dont elle bénéficie, l’habileté descampagnes de relations publiques etc. en ont imposé le choix. L’Etat (ou l’Union Européenne !)investit. La recherche publique se mobilise. Au nom du progrès et de la philanthropie, elleœuvre en partenariat avec la recherche privée. Les alternatives restent en friche. Ces
16 Lewontin Richard, 1993. The doctrine of DNA. Biology as ideology. Londres, Penguins, 1993.
investissements exclusifs finissent par en assurer le succès lequel confirme la justesse du choixinitial - en créant de nouveaux problèmes qui, à leur tour. La « société » n’a qu’à s’adapter àun « progrès » qui revêt, dès lors, un caractère inéluctable. Cette conception panglossienne de latechnonologie comme destin est une supercherie. C’est précisément le cas avec lesbiotechnologies.
Aucun problème agronomique ni alimentaire ne requiert de solution
contraire, ces dernières tournent le dos aux solutions durables. Au Canada, il a fallu cinq ans àpeine pour qu’apparaissent des colzas tolérants aux principaux herbicides, le Roundup deMonsanto, le Liberty d’Aventis, le Pursuit de Cyanamid. Contrôler les repousses exigemaintenant des herbicides plus toxiques. De même, les ravageurs acquerront rapidement lesrésistances aux insecticides que les biotechnologistes font produire par les plantes. Leur réponseest toute prête : introduire d’autres insecticides dans les plantes (et donc, soulignons-le, dans lachaîne alimentaire…), selon le principe bien connu d’intégrer l’obsolescence dans lesinnovations elles-mêmes. Loin d’aller vers une agriculture durable, nous allons, selonl’expression de Gilles-Eric Seralini, vers une agriculture jetable.
Selon Serge Savary, 17 de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) « les
insectes ne sont pas aussi nuisibles qu’on le prétend généralement. En revanche, les mauvaisesherbes apparaissent comme les plus néfastes à la productivité des rizières. Le tungro (unemaladie virale), enfin, est loin de constituer une nuisance majeure comme on l’a souvent cru. [… Pourtant], des laboratoires américains ont élaboré du riz transgénique incorporant le gèneBt de résistance à un insecte ravageur [une très mauvaise cible […] De même, la FondationRockefeller a investi massivement pour produire des variétés transgéniques résistantes autungro, une maladie du riz provoquée par deux virus. Or ces virus peuvent anéantir un champ,mais leur présence géographique a été surévaluée : c’est un effort superflu ”.
L’IRD souligne également l’efficacité des gènes de résistance naturels issus de la sélection
des variétés de riz et surtout la nécessité de préserver précieusement les souches originelles deces gènes. “ Mais les chercheurs qui s’occupent de gènes conventionnels [issus de la sélectionnaturelle] ne sont pas à la mode et n’ont plus de fonds : l’Union Européenne vient ainsi decouper les crédits de l’IRRI, 18 gestionnaire de la banque de gènes du riz. On utiliseaujourd’hui des technique fort chères [de génie génétique] sans même savoir quelle est labonne cible. ”
Ce qui précède vaut aussi dans le domaine de la santé. On en sait suffisamment sur les causes
sociales et politiques des grandes endémies modernes (maladies mentales, cancer, obésité, etc.)pour ne pas chercher des solutions techniques et médicales à des problèmes politiques.
3. Le principe de subsidiarité veut que l’Union ne fasse pas ce que les Etats font. Mais avec
l’industrie privée, il semble que le principe soit celui des subsides. L’Union subventionne des
17 AFP, 15 avril 2000. Il s’agit d’un travail fait avec l’Institut International de recherche sur le riz. Lire SergeSavary, Laetitia Willocquet et al. « Rice pests constrains in tropical Asia : characterization of injury profiles inrelation to production situations », Plant Disease, mars 2000, pp. 341-355 ; Serge Savary, Laetitia Willocquet, etal. « Rice pest constraints in tropical Asia : Quantification of yield losses due to rice pests in a range ofproduction situations », Plant Disease, March 2000, pp. 357-359. 18 International Rice Research Institute (Centre International de Recherches sur le Riz). Fondé en 1958 auxPhilippines par les Fondations Rockefeller et Ford, l’IRRI a mis au point les premières variétés de riz à hautpotentiel de rendement. Ces succès furent appelés “ Révolution verte ” – par opposition à la révolution rouge qui“ menaçait ” alors l’Asie. En six ans à peine, l’IRRI réussit à créer ces variétés grâce aux connaissances surl’agronomie du riz accumulées par les Japonais (sa première tâche fut de traduire la littérature agronomiquejaponaise) et aux variétés japonaises à paille courte (le germoplasme).
activités de recherche et de développement qui relèvent de l’entreprise privée. Si l’avenir desbiotechnologies est radieux, pourquoi les subventionner ?
Le préalable à toute aide publique est la convergence de l’intérêt public avec l’intérêt privé.
Or dans le domaine de la biologie appliquée, comment pourrait-il y avoir convergence entre lesexpropriateurs et les expropriés ? Le principe de subsidiarité appliqué aux entreprises privéesveut que l’Union Européenne financent les travaux que les industriels ne font pas : ceux detoxicologie, 19 d’éco-toxicologie, de prévention, d’évaluation des risques, et d’une manièregénérale de la mise en œuvre de méthodes durables - qui minimisent les interventions etfavorisent l’autonomie et la liberté des individus. On ne peut pas compter sur les industrielspour faire des travaux, si contraires à leurs intérêts. C’est donc là que doit aller l’investissementpublic de recherche.
19 Les industriels se contentant de démontrer que l’on ne peut pas démontrer la toxicité des produits chimiquesqu’ils créent.
Smoking Cessation Pharmacotherapy Guidelines Introduction This document is aimed at Specialist Advisors from NHS Wirral Stop Smoking Service (SSS) and Intermediate Advisors who have attended SSS training to help patients stop smoking. It is based on NICE Public Health guidance 10 ‘Smoking cessation services’ (2008), NICE Technology Appraisal 123 ‘Varenicline for smoking cessation (
07/11/2013 Reunión de equipo Hora local 15:30 Málaga (España) Reunión convocada y organizada Tipo de reunión: Videoconferencia por: Spanish-Latin DILI Network. Dr. Raúl J. Andrade Bellido. Servicio de Digestivo. Hospital Universitario Virgen de la Victoria. Málaga Dra. Maribel Lucena González. Servicio de Farmacología. Facultad de Medicina. Universida